L’Arabie saoudite et les pays du Golfe sont toujours de très gros producteurs de pétrole et de gaz malgré la percée des États-Unis et de la Russie. Ils demeurent une des clefs de la géopolitique mondiale des énergies.
Dès 1965, la production des pays du Moyen-Orient a dépassé celle des États-Unis, avant que le rapport de force ne s’inverse un demi-siècle plus tard, mais s’y trouvent toujours certains des plus grands producteurs du monde actuel : l’Arabie saoudite devant l’Iran, mais aussi l’Irak qui développe à nouveau très fortement sa production depuis une dizaine d’années, devant le Koweït et les Émirats arabes unis, ce qui fait de la zone une des plus stratégiques au monde pour les énergies : on rappellera qu’en attaquant le Koweït en 1990 et en contrôlant son pétrole, l’Irak de Saddam Hussein aurait été potentiellement à la tête d’environ 20 % des réserves mondiales d’or noir, de quoi reconstruire le pays après la longue guerre contre l’Iran et satisfaire les rêves de gloire de son raïs.
Actuellement, environ 36 % de la production pétrolière mondiale est réalisée dans l’ensemble Golfe-Moyen-Orient, tandis que 47 % du pétrole commercialisé sur le marché international en est issu, si bien que chaque crise géopolitique qui y survient peut potentiellement perturber le marché énergétique mondial. Le gaz y connaît également une forte expansion avec des acteurs majeurs du marché mondial comme l’Iran et le Qatar qui en tire les ressources pour financer une politique extérieure ambivalente : à la fois le sponsoring international (rachat du PSG en France) et le soutien à l’islam salafiste. Israël est un cas particulier aussi en matière d’énergie : il vient de découvrir un gisement de gaz important au large de Chypre (Léviathan) qui pourrait en faire un exportateur. Mais il existe des contentieux, avec Gaza et le Liban.
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Le problème iranien
L’Iran est un géant énergétique en puissance, mais bridé par les sanctions internationales. Avec les deuxièmes réserves prouvées de gaz naturel (17 % du total mondial) et les quatrièmes de pétrole (9 % du total mondial), l’Iran pourrait peser considérablement sur le marché mondial des énergies, mais sa production est pour l’essentiel tournée vers la consommation intérieure, ses exportations limitées ne sont pas un outil de puissance mondiale : ainsi le gaz, qui est exporté pour les trois quarts en Turquie, devant l’Arménie, l’Azerbaïdjan et l’Irak. Pour le pétrole, les exportations ont fortement baissé à la suite des sanctions de 2012 et la production avec : la levée des sanctions n’a permis en 2017 que de renouer avec les niveaux de 2011 (5 millions de barils par jour), qui de toute façon restent inférieurs à ceux de 1976-1977, avant la révolution islamique (5,5 millions de barils/jour).
À la suite de l’accord de Genève dit « 5+1 » (les cinq permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU + l’Allemagne), l’Iran a obtenu en janvier 2016 une levée de l’embargo pétrolier dont elle souffrait depuis 2012 contre un gel de son programme nucléaire militaire. Dans le détail : limitation pendant dix ans des capacités d’enrichissement d’uranium (sous les 5 %), acceptation pendant quinze ans de l’inspection impromptue de ses sites nucléaires par l’AIEA, y compris certains sites militaires. En contrepartie, le pays doit réintégrer le marché international du pétrole, s’ouvrir aux investissements étrangers pour développer une production nationale qui, en deux temps, devrait atteindre 1 million de barils supplémentaires par jour. Mais en mai 2018, les États-Unis se sont retirés de l’accord de Genève et ont remis en place les sanctions internationales.
Dès lors, l’activité nucléaire de l’Iran risque de continuer à poser des interrogations majeures. L’Iran possède huit sites nucléaires, dont un seul réacteur en fonctionnement, Boucherh, en activité depuis 2013. Le nucléaire ne réalise qu’une part infime du mix énergétique, la consommation énergétique nationale dépendant pour les deux tiers du gaz naturel. C’est pourquoi Téhéran souhaite mener à terme son programme nucléaire civil, ce qui provoque la crainte qu’il se dote parallèlement d’une force de frappe nucléaire. Plusieurs sites sont ainsi placés sous très haute surveillance par l’AIEA, parmi eux le réacteur nucléaire à eau lourde d’Arak, qui devait initialement être mis en service en 2014, celui de Natanz qui fabriquerait de l’uranium enrichi ou celui de Parchin près de Téhéran qui est soupçonné d’être un lieu d’essais pour obtenir une charge suffisante pour armer un missile.
Face à l’Iran, l’Arabie saoudite
Dans son ensemble, le secteur pétrolier réalise 30 % de la production économique et 42 % des exportations saoudiennes. Le pétrole continue de faire la puissance économique du pays : ainsi, Riyad a engrangé près de 4 000 milliards de dollars (courants) entre 1973 et 2010 grâce à ces exportations. Cette manne permet non seulement de moderniser les infrastructures et les équipements du pays, sans compter l’entretien d’une immense famille royale (environ 30 000 personnes, avec plusieurs milliers de princes), mais aussi de développer fortement les dépenses militaires (guerre au Yémen) et de contribuer à la propagation du wahhabisme. Malgré l’essor récent des productions iranienne et irakienne, l’Arabie saoudite restera encore durablement le premier producteur du Golfe et l’un des trois premiers du monde avec les États-Unis et la Russie.
Le nouvel homme fort du royaume wahhabite, le prince héritier Mohamed ben Salman, dit « MBS » a développé toutefois un projet ambitieux de diversification économique et énergétique, baptisé Vision 2030 : diversification de l’économie vers le numérique, tourisme, énergies renouvelables, réduction des subventions d’État au pétrole, ouverture de 5 % de la Saudi Aramco, création d’un fonds souverain. C’est que le royaume brûle de plus en plus lui-même son pétrole : la consommation d’énergie fossile par habitant a rattrapé celle des États-Unis. Du coup, le pays s’intéresse aux autres énergies : recherche-développement sur le solaire à King Abdallah City, projets nucléaires, mais aussi gaz de schiste (peut-être les 5e réserves du monde).